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19 septembre 2007

Facile d'être homo et de l'assumer ?!!

TEMOIGNAGE :

Bonjour ;
je m'appelle Guillaume et j'ai 17 ans, je suis homosexuel, même si j'ai toujours du mal à l'avouer. Je ne sais pas pourquoi je livre mon témoignage ; sûrement parce que j'ai besoin de parler, d'évacuer un peu ce qui me hante nuit et jour, ce qui me rend triste et me fait pleurer la nuit, ce qui me déprime et me dégoûte, ce qui fait que maintenant je n'arrive plus à me regarder dans la glace et que je me trouve méprisable, et ce qui fait que j'ai essayé de me suicider et que je n'en ai encore parlé à personne.
Comme je l'ai déjà dit, j'ai 17 ans et je n'ai jamais rencontré d'homosexuel de ma vie. Il y a trois ans maintenant, je suis tombé amoureux d'un garçon (appelons-le H.) ; c'était en Troisième, et si j'avais conscience que je n'étais attiré que par les garçons, j'étais loin de me représenter en tant qu'homosexuel : non pas que j'avais des doutes, mais tout simplement que je n'y pensais pas. Je savais que je préférais les garçons, mais je ne voyais pas plus loin ; et avec le recul, ce n'était pas plus mal...
Bref, je suis tombé fou amoureux de ce garçon, H., dont je me suis fait un ami ; jamais alors je n'aurais osé aller plus loin.
Malheureusement, à la fin de la Troisième, il est parti dans un autre lycée que moi ; j'ai cependant réussi à garder contact et on se voyait de temps en temps pendant les vacances. En deux ans, je n'ai jamais réussi à l'oublier ; car même si je ne le voyais pratiquement jamais, je n'arrêtais pas de penser à lui.
Et puis, en Terminale, surprise, il a changé de lycée, est venu dans le mien et même jusque dans ma classe. Au début, c'était comme si le plus beau de mes rêves se réalisait : il était dans ma classe, il se mettait à côté de moi pour tous les cours, et enfin on devenait les meilleurs amis du monde, même si moi, j'espérais plus...
J'ai nagé dans le bonheur total jusqu'au mois de Décembre ; mais comme chaque jour j'étais encore plus fou de lui que la veille, ça devenait de plus en plus lourd à porter ; je n'arrivais pas à me limiter à de l'amitié, je l'aimais et je voulais le lui dire...
Le soir des vacances de Noël, j'ai craqué : je lui ai tout avoué sur MSN, parce que je n'aurais jamais osé lui dire en face.
Il l'a très très très mal pris.
Au début il a cru que c'était une blague et il ne voulait pas me croire.
Quand il a vu que je m'entêtais, il a commencé à comprendre et il s'est mis à m'insulter. Il m'a dit que je le dégoûtais, que j'étais « gore », « dégueulasse », « contre-nature », et surtout qu'il « avait les boules », et puis il s'est déconnecté.
Comme vous pouvez l'imaginer, je n'ai pas dormi de la nuit, je me sentais mal, j'ai pleuré pendant des heures, j'avais envie de vomir, envie de mourir, envie de me suicider.

Autant toutes les remarques homophobes, même de vos proches, peuvent vous glisser dessus et vous être indifférentes, autant quand elles viennent de celui pour qui vous auriez tout donné, jusqu'à votre âme, jusqu'à votre vie, alors elles vous arrachent le cœur.
Je n'ai rien pu avaler le lendemain ; en début d'après-midi, il s'est reconnecté, et là ça a été encore plus dur. Choqué par ce que je lui avais dit, H. l'avait répété à un copain que nous avions en commun ; ils s'étaient connectés ensemble, et faisaient une sorte de psychanalyse dans mon dos. Moi je ne voulais pas que ça se sache ; j'essayais de parler à H. en privé, mais lui se complaisait à rapporter tout ce que je disais à son copain, avant de me forcer à parler devant lui.
J'ai eu le droit à toutes sortes d'insultes, du classique « pédé » (que je continue à voir comme une insulte) jusqu'aux phrases du genre « eh, faut que t'ailles dans les vestiaires des filles en sport », bref, ce genre de plaisanteries ; moi je suppliais vainement H. de ne pas répéter ce que je lui avais dit, et lui, au contraire, disait qu' « il fallait que ça se sache » et semblait prêt à le crier au monde entier.
J'étais complètement anéanti ; je n'aurais jamais cru qu'un ami aussi proche puisse être salaud à ce point ; et quand la personne que vous aimez le plus au monde vous dit que vous lui donnez envie de vomir, eh bien ça vous coupe l'envie de vivre. Sur la fin H. ne voulait même plus me parler.
Je me sentais plus mal que jamais ; pour moi, la douleur morale que j'éprouvais était pire que toute torture physique.
J'ai avalé dix boîtes de médicaments au moins ; j'ai avalé pilule sur pilule jusqu'à tirer au cœur et j'ai continué encore et encore, plus d'une centaine en tout, de n'importe quoi, des médicaments pris au hasard, je voulais mourir, je voulais crever.
Et je suis parti à vélo de chez moi, j'espérais sûrement que les médicaments m'assommeraient assez pour que je me paye un camion en pleine face, et je continue de penser, parfois, que ça n'aurait pas été plus mal. Alors évidemment, j'ai pris au maximum des nationales avec beaucoup de circulation, mais à part quelques nausées et des étourdissements, les médicaments n'avaient aucun effet.
Consciemment ou non, j'ai fini par m'arrêter à la médiathèque, où j'ai retrouvé un de mes amis, à qui j'ai tout confié, et qui, j'ai cru, ne l'a pas mal pris et m'a remonté le moral.
Rentré chez moi, j'ai été malade pendant trois jours à cause de toutes ces pilules que j'avais ingurgitées ; comme je ne mangeais toujours rien, ma mère s'inquiétait, et la convaincre de ne pas appeler le médecin n'a pas été chose facile, mais l'idée qu'on puisse me prescrire d'autres comprimés me donnait encore plus envie de vomir.
J'ai passé les vacances de Noël dans la dépression la plus totale ; j'ai dû paraître désagréable à bien des gens, mais qu'y a-t-il de plus dur que d'afficher un sourire et de parler de la pluie et du beau temps, quant toute votre âme et tout votre corps aspirent au désespoir le plus profond ? Pourquoi vivre, si ce devait être sans H. ? Pourquoi vivre, si je n'inspirais plus que haine et dégoût à celui qui était pour moi toute ma vie ?
Bref, sinistres vacances, qui présageaient une rentrée encore pire. H. et moi devions nous voir pendant les vacances ; naturellement, tout avait été annulé à l'annonce de mon homosexualité ; il parlait même d'arrêter les TPE (travaux personnels encadrés) que nous faisions en commun.
Mais c'est à la rentrée que j'ai réalisé avoir perdu à tout jamais son amitié : alors qu'avant, nous passions toutes les journées ensemble, maintenant il parlait à tout le monde sauf à moi. En cours, il se prenait d'un subit intérêt pour le livre du voisin, fût-il mal placé à l'autre bout de la table, alors que celui que je lui présentais était sous ses yeux.
Il n'y a qu'aux repas qu'il ne pouvait m'éviter ; mais même alors il trouvait le moyen pour qu'à tout prix nous ne soyons pas seul à seul ; il évitait et refusait le dialogue. Que dire du subit intérêt qu'il prit pour les filles, au point que pas une ne pouvait passer devant lui sans qu'il donne son opinion sur elle, sinon que ça me faisait souffrir encore plus, car avant il n'en parlait pratiquement jamais...
J'ai voulu lui parler en tête-à-tête : tout ce qu'il me dit alors, c'est que j'étais vraiment dégueulasse, qu'il fallait que je me trouve une copine, et que je me trompais, qu'il n'avait rien changé dans son comportement. Ce qu'il disait surtout, c'est qu'il fallait que je change, que je devienne hétéro, que j'arrête de le kiffer : j'ai compris plus tard qu'il craignait pour sa réputation. Il voulait que les rumeurs (dont il était la cause) cessent de circuler, que surtout on ne puisse pas le prendre pour un pd.
Il voulait en quelque sorte que je fasse un « coming-in » auprès des deux ou trois personne qui savaient que j'étais homosexuel. Je ne l'ai pas fait. J'ai voulu lui expliquer que devenir hétéro était aussi difficile pour moi que de demander à un Noir de devenir blanc ; il m'a ri au nez.
Alors il a commencé à faire des allusions pernicieuses à mon homosexualité : dès que l'occasion se présentait, il se plaisait à s'écrier à n'importe qui « Eh, dégage, je suis pas pd moi ! », devant moi de préférence, et bien fort pour que j'entende. Dans mon dos, il faisait des remarques que les gens ne comprenaient pas, disait par exemple que je pouvais toujours faire antiquaire, et riait de ses plaisanteries.
Et moi, malgré cela, et même si je faisais tout pour arrêter, vraiment tout, je l'aimais encore. Et j'en souffrais d'autant plus.
Il y a une semaine, je me suis décidé à ne plus lui parler et à l'éviter jusqu'à ce qu'il vienne mettre les choses au clair ; je l'évitais les midis, dût-il se retrouver tout seul pour manger : moi, je ne mangeais pas du tout. En cours, je me plaçais ostensiblement à l'autre bout de la classe, alors que nous étions d'habitude côte à côte. J'attendais sa réaction. J'espérais une réaction : j'avais vraiment besoin de lui parler. Il n'en a eu aucune. Il m'ignorait superbement.
J'étais de plus en plus tout seul ; en fin de semaine, j'ai appris qu'un de mes prétendus « amis », en qui j'avais eu confiance, avait répété à quasiment toute la classe que j'étais « pd », et sans épargner les détails. Le vendredi, la veille des vacances, pas une personne de ma classe ne m'a dit bonjour. J'ai eu droit à toutes sortes de réflexions dans mon dos : exemple au hasard, en cours de SVT, le professeur demande, en rapport avec la lignée humaine, quel fut après l'australopithèque le premier représentant du genre « homo » : et là j'entends crier derrière moi mon nom : c'était tellement facile, toute la classe était écroulée de rires. Dans la cour, des types que je connaissais à peine, me demandaient d'un air menaçant ce que j'avais à les regarder, alors que j'avais à peine levé le regard sur eux.
Bref, j'aurais passé la journée entièrement seul si une amie, la seule qui me reste, ne m'avait soutenu du mieux qu'elle pouvait le midi.
Ce n'est que le soir, sur MSN, que H. s'est enfin décidé à me parler. Sur MSN, la moitié des pseudos de mes contacts étaient faits pour se foutre de ma gueule : du genre « Paraît que c'est cho entre PD et H. !!! » « A quand le coming out devant toute la classe ? I want to die I fly with the suicide », « Eh, Steevy, c quand la gaypride ? mdr », etc...
Et là, la première chose que H. m'a dite, c'est que j'étais un « fils de pute ». On a parlé pendant deux heures ; à la fin, désemparé, je suis parti. Je ne lui ai jamais demandé qu'une chose : qu'on reste amis. J'ai argumenté pendant des heures, j'ai tout essayé, je suis passé par la colère, par les sentiments, je lui ai rappelé comment, avant, nous étions les meilleurs amis du monde. Mais que répondre à la haine, quand elle est injustifiée ? Que répondre à l'homophobie ?
Il n'a pas arrêté de m'insulter du début jusqu'à la fin (il avait commencé assez doucement avec son « fils de pute ») ; j'ai appris plus tard qu'en même temps il copiait collait notre conversation à un « copain » et se foutait de ma gueule dans mon dos. Puis il a tout enregistré et fait circuler la conversation en entier à ses contacts.
Voilà, j'en suis là : j'ai tout perdu, tous mes amis, toute ma réputation, je n'ai gagné que le mépris de mes camarades de classe, et la haine pure et simple d'un garçon que j'ai eu le tort d'aimer un peu plus qu'il ne faudrait...
Il y a une heure à peine, j'ai appris, sur MSN, que H. et mes deux meilleurs amis ont été au restaurant et au cinéma ensemble, alors qu'avant nous ne faisions rien sans être tous les quatre réunis. Maintenant, je n'existe plus. C'est un de ces deux « amis », qui pour mieux me provoquer l'a écrit en lieu et place de son pseudo sur MSN : « c'était trop bien la pizzeria et le ciné avec H. !!! » Pure méchanceté. Je ne lui ai jamais rien fait. Il voulait me faire mal, il a réussi.
C'est le point où j'en suis. Il y a quatre jours, j'ai voulu me taillader les veines avec des lames de rasoir. Manque de volonté, de détermination, je n'ai réussi qu'à faire rosir l'eau du bain et à barbouiller une serviette toute propre ; mais j'ai compris comment il fallait faire. Je ne sais pas si je le referai ; je ne sais plus si j'ai vraiment envie de vivre.
J'ai malgré tout pris un peu de recul avec H., même si je continue de l'aimer ; c'est ce recul qui me permet d'en parler, avec la froideur et l'indifférence de la douleur. Je ne souhaite à personne ce qui m'est arrivé et ce qui continue de m'arriver ; sans doute certains ont eu à subir pire : en témoigne le taux de suicide élevé chez les jeunes homosexuels. Je ne sais pas si, bientôt, je ne vais pas venir grossir ce taux, un infime point de plus dans les statistiques, vite oublié et rayé de toutes les mémoires...
Que ceci constitue alors un adieu, la marque de mon passage... Je m'excuse auprès de tout le monde, auprès de H., à qui je n'ai pas su parler, auprès de mes amis, s'ils veulent encore bien l'être... J'espère que vous saurez mieux profiter de la vie que moi, et vous souhaite tout le bonheur que j'ai eu le tort de vouloir, que j'ai eu le tort de demander, et que je n'aurai jamais...

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