Les gays se font des films !!!

La sortie en salles le 31 janvier de "Boy Culture", jolie comédie gay peuplée de charmants garçons signée Q. Allan Brocka, est un bon signal du développement sur tous supports (ciné, mais aussi et surtout télé et DVD) d’un cinéma identitaire de consommation courante qu’on a longtemps cru réservé aux Etats-Unis…
Dans "Boy Culture", il y a tout ce qui fait un film gay : de beaux garçons, une intrigue sentimentale à tiroirs, un ton de comédie légère, un monde essentiellement peuplé d’homos, des clichés crânement assumés, un regard décomplexé et décomplexant sur le mode de vie gay mais aussi sur la sexualité entre hommes… En cela, le film de Q. Allan Brocka qui débarque sur nos écrans le 31 janvier est parfaitement représentatif d’une production florissante qui existe depuis plus d’une décennie aux Etats-Unis mais qu’on n’a découverte en France qu’avec le développement d’éditeurs vidéo/DVD comme Antiprod ou la Collection Rainbow (devenue depuis Optimale). 
Longtemps en effet, on n’a perçu ici que de rares échos du développement outre-Atlantique de ce tout nouveau cinéma identitaire, débarrassé de l’attirail du militantisme homo et de ses discours politiques ou revendicatifs, mais aussi des prétentions auteuristes d’un certain cinéma underground. Car si "Boy Culture" fait preuve d’une mise en scène très efficace et pleine de trouvailles, tout en brassant de multiples thèmes en phase avec les préoccupations des homos d’aujourd’hui (le besoin de reconnaissance, le couple et la fidélité, le coming out familial, le vieillissement, etc.), ce film le fait sur un mode frivole et consensuel propre à n’effrayer ou à ne déranger personne.
C’est d’ailleurs la grande caractéristique de ce cinéma qui a pris son essor lorsque la menace du sida a commencé à refluer dans les esprits de la communauté avec l’arrivée des trithérapies, c’est-à-dire au milieu des années 90. A des gays traumatisés par dix ans de lutte contre la maladie, souvent stigmatisés (surtout aux USA) par les discours réactionnaires visant à les rendre coupables de ce "châtiment divin", à des gays aussi en manque d’images d’eux-mêmes positives et de modèles auxquels se référer, cette absence d’aspérités d’un cinéma identitaire composé pour l’essentiel d’histoires sentimentales traitées sous forme de comédies ou de drames, allait offrir un miroir bienveillant, rassurant, séduisant et pour tout dire essentiel. Indifférenciation sexuelle, positivisme à tout crin, dédramatisation du vécu homosexuel et appel à une tolérance tous azimuts forment la trame de ces films qui incarnent mieux que tout autre type de cinéma l’envie de normalisation et de banalisation de nombreux gays.
De "Billy’s Hollywood screen kiss" en "Objet de mon affection", de "Fluffer" en "I think I do", de "Tentation d’Aaron" en "Eating out" (le précédent film de Q. Allan Brocka) ou de "Edge of seventeen" en "Almost normal", on retrouve sans cesse ces caractéristiques déclinées à l’infini. Et ces films longtemps invisibles chez nous se déclinent désormais sur tous les supports : essentiellement en DVD mais aussi sur Pink TV qui en diffuse régulièrement voire, plus rarement, sur grand écran. Au risque, vu la cadence du flux, de saturer à moyen terme un marché assez étroit, et de tarir des sources d’approvisionnement loin d’être illimitées

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